Matin quotidien

Publié le par Monique MERABET

lis13-12-copie-1.jpg

 

MATIN QUOTIDIEN

 

 

 

 

 

Compter les gouttes

que n’auront pas bue

les liserons

 

La pluie dans la nuit. Les flaques. Les arbres trop grands. La flèche rouge de la grue et les murs trop hauts qui me cachent les nuages. Matin au quotidien. No comment…

Et puis, ces haïkus, triés, recopiés hier soir : pas fameux !

Le cardinal orange – qui revient un peu trop souvent dans mes écrits… lui devrai-je des droits d’auteur ? – me distrait de ces pensées tristounettes.

Mes haïkus ratés s’insèrent parfois plutôt bien dans un haïbun. Y a-t-il une facture particulière aux haïkus destinés à se fondre dans une histoire ? J’ai souvent pensé que les tercets devraient toujours se lire séparément, indépendamment du texte en prose qui le contient ; je n’en suis plus si sûre.

Ce qui est certain, c’est que la prose soutient le haïku, lui donne un éclairage. Si on isole les tercets de leur contexte, il arrive souvent – en tout cas, pour les miens – qu’ils perdent de leur lumière, de leur sens et ne demeure qu’un assemblage de trois lignes sibyllines.

Ce petit bruit… serait-ce la pluie ? Le sillage d’un avion blanc  dans la partie dégagée du ciel fonce vers le nuage, cependant qu’en sens contraire, les ailes sombres d’un oiseau… que je n’ai pas le loisir d’identifier.

 

Au passage

un nuage laisse

quelques gouttes

 

La pluie et le soleil… ensemble. Ne manque plus que la lune. Pour décrire cet état météorologique, le créole dit : « Grandiab la tué sa fame pou maryié sanm sa fiy* ». Comprenne qui pourra ! Certaines expressions créoles sont d’origine bien mystérieuse parfois !

 

Un moineau

hausse le col pour regarder

dans la marmite

 

Son si gracieux mouvement ! Mais les oiseaux sont toujours élégants. Dans leurs pensées aussi, je parie. Pourquoi auraient-ils des pensées mesquines ? Ils savent que leur Père céleste veille sur eux. En comparaison, quel méli-mélo de cochonneries nous trimballons dans nos têtes, nous les humains !

Heureusement, naît parfois un haïku, un poème… une fleur poussant sur un tas de fumier. Ah ! ne dire, n’écrire que la beauté !

Les fleurs et les oiseaux ne sont-ils pas signes divins, seuls aptes à sauver le monde ?

 

Le cardinal

perché sur le paravent

juste pour moi

 

(Monique MERABET, 8 Mars 2013)

* Le diable a tué sa femme pour se marier avec sa fille

 

 

Publié dans haïbuns

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> J'aime beaucoup ton haïku final.<br /> <br /> <br /> Et j'aime beaucoup aussi ce que tu dis des fleurs et des oiseaux en tant que signes divins. cela me rappelle cette pensée :<br /> <br /> <br /> "Est-ce qu’une fleur, pleine de lumière, de beauté, dit :<br /> JE DONNE, J’AIDE, JE SERS ?<br /> Elle EST !<br /> Et parce qu’elle n’essaie pas de faire quelque chose, elle recouvre la terre."<br /> <br /> Krishnamurti<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Je suis honorée d'être en résonance avec Krishnamurti. Belle pensée que celle que tu retranscris ici!<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> "J’ai souvent pensé que les tercets devraient toujours se lire séparément, indépendamment du texte en prose qui le contient ; je n’en suis plus si sûre.<br /> <br /> <br /> Ce qui est certain, c’est que la prose soutient le haïku, lui donne un éclairage. Si on isole les tercets de leur contexte, il arrive souvent – en tout cas, pour<br /> les miens – qu’ils perdent de leur lumière, de leur sens et ne demeure qu’un assemblage de trois lignes sibyllines."<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tes propos sont fort intéressants, Monique. Ils rejoignent exactement ceux de Salim Bellen dans "Le singe renifle en décembre", qui sera publié mi-avril (coédition<br /> AFAH/uNICITE).<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Ah! je ne vais pas manquer de me procurer l'ouvrage de Salim Bellem!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Ta réflexion sur le haïbun est intéressante. J'ai assisté, il y a quelques années, à un atelier du haïkiste américain Bruce Ross sur le haïbun (il a aussi édité une anthologie,<br /> Journey to the Interior. Americain Versions of Haibun). Dans son atelier, il disait à propos de la relation entre prose et haïku dans le haïbun, qu'idéalement, le haïku<br /> "amenait l'histoire ailleurs" - et si ma mémoire est bonne, que le haïku ne devrait donc pas, idéalement, être une simple "suite" de ce qui est déjà évoqué dans la partie de prose. On avait des<br /> examples qui présentaient des haïkus dont le thème n'avait, à première vue, rien à voir avec la partie prose qui précédait. (un peu comme je l'essaie souvent avec la photo, dans un haïsha), et<br /> pourtant... à bien y penser, il y avait un lien, tenu, qui, en effet, donnait un éclairage nouveau ou permettait de voir une issue inattendue.<br /> <br /> <br /> Cela étant dit, je ne prétends pas que cette position soit "parole d'Écriture". C'est une compréhension du genre haïbun parmi d'autres, j'imagine. Serge Tomé (haïkiste belge) a déjà dit dans un<br /> atelier donné au Camp Haïku à Baie-Comeau que "ce qu'on n'arrive pas à mettre dans le haïku, on peut le mettre en dehors du haïku" - soit en plaçant les haïku dans une suite, ou dans un renku, ou<br /> dans un haïsha ou... un haïbun.<br /> <br /> <br /> Voilà quelques éléments de réflexion.<br /> <br /> <br /> Et puis, ton dernier haïku du cardinal: j'aime ! Il me rappelle un moment pendant mes vacances à Port-au-Persil, au bord du Fleuve, là où l'on ne peut déjà plus voir l'autre rive, tellement il<br /> est large:<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> matin sur la grève<br /> <br /> <br /> j'ai tout le grand Saint-Laurent<br /> <br /> <br /> pour moi toute seule<br /> <br /> <br /> (MTP)<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci Monika pour partager et prolonger ces réflexions sur l'écriture d'un haïbun. Oui je pense aussi que la prose est là pour dire ce qu'on ne peut pas mettre dans le haïku et le haïku est là<br /> pour faire rebondir la trame des pensées qui sous-tendent le texte<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Cette écriture est "simple", non complexée, elle livre son étonnement face au modeste quotidien, et c'est bien ainsi. Les oiseaux me semblent libérés de toute idée mesquine... ils se content de<br /> vivre sans trop penser.<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci Marcel. Ton avis m'est précieux<br /> <br /> <br /> <br />