Les haïkus du Vendredi 13

Publié le par Monique MERABET

"Tel qui écrit (des haïkus) le vendredi, dimanche, les lira" dit un proverbe bien connu

Les haïkus du Vendredi 13

LES HAÏKUS DU VENDREDI 13

Médiathèque de Sainte-Marie, le 13 Juin 2014,

Trois fois le rond-point

En roulant, elle raconte

Ses haïkus (Monique et Huguette)

Moment de choix que cette matinée de vendredi 13, jour de chance, jour de bonheur, de rencontre autour du haïku. Nous étions une bonne vingtaine à prendre place dans la salle du « Lire autrement » que renferme la Médiathèque. Un vendredi par mois, les membres d’associations de déficients visuels sont accueillis pour une animation : causerie, lecture, conférence…

Des personnes à visibilité réduite et des amis les accompagnant, les secondant ce jour-là dans l’écriture en tandem : une agréable compagnie joyeuse et attentive pour découvrir ce petit poème en toute liberté, en toute simplicité.

Écrire autrement les haïkus dans la bonne humeur et avec le soleil. Les adultes présents sont de ceux qui ont su préserver leur âme d’enfant et je garde de cet atelier le même enchantement que celui ressenti lors des rencontres avec les petits élèves.

Grâce de ces instants à partager, à haïkoter… papotages enjoués. Le mot papotage étant bien entendu dénué de toute connotation péjorative ou condescendante. Papoter : parler de tout et de rien, de ces petits riens de la vie de tous les jours, des sensations joyeuses ou un peu tristes mais toujours évoquées avec légèreté.

Chacun haïkise à sa manière : humoristique, anecdotique, ou va chercher au plus profond de soi, cette « envie de voir » ou la quête d’une vérité, interrogation sur sa propre existence.

La forme 5/7/5 n’a pas été imposée ; seule compte la faculté de s’exprimer sans contrainte ; tenter de saisir l’essence même du haïku, ne pas surcharger le poème de trop de sentiments, laisser une respiration, permettre au lecteur d’y prendre part… Rien de mécanique ! Quant au « mot de saison », il s’est occulté de lui-même : à quoi bon courir après une saison alors que nous disposons de nos saisons réunionnaises amayé (entremêlées), que nous pouvons puiser dans nos souvenirs, dans nos voyages, dans nos lectures… comme pour ces cerisiers qui viennent spontanément sous la plume. Et pourquoi pas ? Le haïku est d’âme universelle.

Au-delà des simples mots utilisés, les émotions sont là, sous-jacentes. Et si tous (oh ! Les bons élèves !) ont eu à cœur de suggérer plutôt que dire, l’auteur est bien présent dans chacun des tercets composés : avec ses joies et ses peines, avec ses rêves et ses désirs, avec sa générosité…

Le haïku est poème de vie. Je l’ai tellement ressenti ainsi en ce vendredi faste où nous n’avons pas vu le temps passer.

Merci à tous les participants pour leur enthousiasme, pour leur gentillesse à accepter mon aide parfois maladroite. Merci surtout pour cette belle leçon de joie de vivre, pour cette formidable capacité à communiquer, à partager, au-delà des handicaps et des difficultés.

Pêle-mêle, voici la liste de ces haïkus, instants papillons que j’ai pu épingler sur mon bloc-notes, prêts à s’envoler vers d’autres âmes, vers d’autres cœurs. J’espère ne pas en avoir trop oubliés ou dénaturés par ma transcription rapide.

Pour commencer, ce touchant hommage de Vanessa qui a tenu à composer un haïku à l’intention de son papa… qu’elle va fêter ce dimanche :

Dans les allées du Jumbo

Mon père à mes côtés

Je serre sa main

Pour annoncer cette matinée, Marie-Pierre, la (si) gentille organisatrice, avait composé ces tercets prophétiques :

Un vendredi 13

Le rendez-vous fixé

Avec le soleil

Salle climatisée

La valse des questions

Et nos rires

Cercle d’amis

Autour de la même table

Instants d’écriture

Quelques mots sur papier

Prêts à s’envoler

Haïkus partagés

Quelques haïkus des animatrices Monique et Huguette, proposés aux commentaires :

Sans mes lunettes

Toutes les feuilles sont

Des oiseaux (M)

Plus entêtant que les autres

Le parfum du bonheur

Sous la dracena (H)

Bruissement

Ce n’est que le vent

Dans les feuilles (M)

Nuit de Noël

Le goût du letchi

Sur ses lèvres (H)

La suite de Cyrille le poète et de Jacqueline :

Mes yeux fermés

Quelqu’un est entré

Dans mon cœur

De fleur en fleur

Vole, vole papillon

Son corps… feu follet

Fin d’après-midi

Sous le cerisier en fleurs

Des petits pas

Asi sou lo flanboyan assis sous le flamboyant

In kardinal la pozé un cardinal s’est posé

Mon zië la mayé mon regard se brouille

Le trio Patrick/Charlène/Jean-Hugues

Au bout du rempart

Un rire s’élève

- Qui m’a répondu ?

Le bruit du vent

Dans les feuilles

Passe le facteur

Vol de moucherons

Les premières gouttes s’écrasent

L’odeur des feuilles

Douceur du matin

L’odeur du café

- Mince ! Tache sur le tapis

Le mini renku de Roseline et Véronique

(NB : un renku est un enchaînement de haïkus qui se répondent… subtilement)

Promenade quotidienne

La rue dangereuse

Sans ma canne blanche

Un chat sur le mur

Devant le portail

Ses aboiements furieux

Assise dans l’herbe

Au bord du rempart

L’envie de voir

Dans la montagne

Debout sur la pierre

Parfum de l’air

Avec des amis

Assis en rond

Explosion de musique

Sous les vacoas

Le vert de l’endormi

Claquement des vagues

Les confidences de Dominique et Marie-Pierre

Vendredi 13 à l’hôpital

Du fond de la chambre

Cri d’un nouveau-né

Rue encombrée

Une canne blanche déambule

- T’es même pas aveugle !

Nuit de pleine lune

Une blonde dans les bras

Le réveil sonne

Les sensations de Liliane et de Juliane

J’entends des voix

On s’interpelle

Et moi je devine tout (L)

Odeur du café

La porte claque

Silence total (L)

Je me lève

J’ouvre la fenêtre

Mes chats sont déjà là (J)

Soleil du matin

Les oiseaux au loin

Baiser dans le cou (J)

Les interrogations de Bilal

L’origine du monde

De sang et de larmes

Premier nouveau-né

Au bout de mes doigts

Les mots de poésie

Je cherche encore la vérité

Au creux de la montagne

La flèche du paille-en-queue

Me nargue

Rudy et Blandine

Entrée en scène

Le public donnant le rythme

Mes larmes roulent

Jour d’inscription

La cour presque vide

Ce vendredi 13

Et…pour la chute, ceux de Marie-Andrée et Marie-Claude

La palme bouge

Bruissement du vent

Elle m’appelle

Livre ouvert

Pages tournées

Ses larmes

Sur la jetée

Un poisson au bout de ma gaulette

Je tombe

Et pour conclure, il serait impardonnable de ne pas mentionner la magnifique exposition de patchwork éclaboussant de couleurs les murs de la médiathèque ce matin-là.

Patchworks et voyants

Haïkus et malvoyants

Passerelles (Huguette)

(Monique MERABET, 15 Juin 2014)

Publié dans LIRE

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