Le temps d'écrire
LE TEMPS D’ÉCRIRE
Ouvrir les volets
un gros nuage dessine
la tête d’un ange
Matin pluvieux. Plus vieux dans mes os, dans mes yeux. La pluie fine réjouit les petits semis, m’incite à demeurer là, rêver, écrire, « trier les brèdes » du marché d’hier. Peut-être aussi cette lettre toujours retardée à force d’attendre quelque chose de joyeux à annoncer. Gommer le désenchantement, tous ces maux qui accablent les êtres chers, qui s’accrochenr, qui peinent à guérir. La guérison incertaine, aléatoire ; sans savoir combien de temps encore, combien de temps pour voir et sentir sous le ciel gris, sous le ciel bleu. Combien de temps à s’adapter aux jours de pluie, aux jours plus vieux. La viéyèss kir ante, ma fiy !
Pourtant les projets, les promesses ne manquent pas : ces nouvelles à peaufiner, à réécrire. Afin d’être publiées ? Peut-être… Qu’importe ! J’ai si peu de temps devant moi…
« Passe encore de bâtir mais planter à cet âge » dit la fable. Je voudrais inverser le propos :
Passe encore de planter (semer des mots aux matins de papier) mais bâtir (une œuvre, un monde d’écrivain) à cet âge ! Mon âge… et l’envie de me retirer de ce magma de tâches sans gloire du quotidien, pas même utiles. À quoi sert de balayer, récurer, dépoussiérer –ô voisines zélées ! – puisque tout sera à recommencer ? À quoi servent toutes ces démarches auxquelles une administration tentaculaire et envahissante nous astreint ? Paperasses à renseigner, compléter, à faire défiler sur un écran : clic si vous êtes d’accord, cochez, mot de passe oublié ? incorrect ?
Ah ! Me battre avec cet écran d’ordinateur qui me propose en vrac ses cookies ( ?) publicitaires (publicités que nous avons sélectionnées suivant vos centres d’intérêt. Oups !), ses améliorations programmées, techniciennes, logiciennes (choisissez la mise à jour que vous souhaitez… Misère !), qui m’intime de laisser mon PC ouvert, de le redémarrer, de télécharger, de choisir un mot de passe, de recopier « ce que vous voyez » (illisible à mon entendement, réessayez, réessayez, réessayez…
Comment vous dire, ô Microsoft, Google, Toshiba, HP… et autres réseaux sociaux qui voulez m’accueillir (non, merci) que je n’ai rien demandé, que je souhaite simplement, obsolètement (mot souligné en rouge. Ouais, c’est un mot qui n’existe pas et alors ?) :
PIANOTER MES HAÏKUS EN PAIX
Matin pluvieux
l’escargot grimpe à la tige
du dracena
Le dracena, c’est la plante du bonheur en mon jardin. Peut-être fleurira-t-il cette année ?
(Monique MERABET, 6 Juin 2015)