Chapeau (6)
LE GARÇON AU CHAPEAU
(Christelle PAYET)
Je faisais partie d’un camp de guides qui avait pris ses quartiers d’hiver à l’Hermitage.
Le camp était en pleine activité de nettoyage et d’entretien lorsque débarquèrent deux visiteurs. L’un des deux était le frère de la cheftaine. L’autre était son ami à qui il voulait faire découvrir la vie des scouts de France.
Celui-ci attira tout de suite mon attention sympathique car il portait un chapeau quasi féminin. C’était un modèle de chapeau malgache aux larges bords frangés, un genre de couvre-chef que je connaissais car il était à la mode à l’époque. Mais je ne l’avais vu que sur les filles. En fait c’était un chapeau féminin.
Les hommes de mon entourage, ceux de la génération de mon père, portaient tous sans exception un chapeau de feutre de couleur sombre qu’ils soulevaient respectueusement pour saluer les dames, et qu’ils enlevaient religieusement en pénétrant dans l’église.
Les garçons de mon âge ne portaient pas de chapeau même pas le bob, ni le canotier. Ils ne portaient que le casque réglementaire pour aller à l’école. Les filles lorsqu’elles devaient séjourner au soleil, portaient ne capeline que les mamans leur recommandaient fermement pour ne pas « noircir » au soleil.
Pour moi, élevée dans un milieu rigide, ce garçon portant chapeau, réservé aux filles m’apparut comme un symbole de la joie de vivre et de la liberté d’esprit.
Sous son chapeau féminin il n’apparaissait pas du tout efféminé, comme l’auraient jugé les femmes de la génération de ma mère, et les hommes aussi sans doute.
Pour ma part je ne le trouvais ni efféminé, ni ridicule. Je lui trouvais un air artiste ou frondeur. Ou peut-être tout simplement, portait-il bien ce chapeau, naturellement.
Sans doute, parce qu’en matière de chapeau encore plus que de vêtement, tout est question de style. Mais pas très facile de reconnaître le sien.